"Où on va, Papa?" de J-L Fournier
J'ai d'abord pleuré. Beaucoup. J'ai hésité à continuer...
Ca commence fort. Une sorte de thérapie par le choc. Un coup de pied dans la fourmilière qui devrait permettre de découvrir à ceux qui ne savent pas. Sauf que moi, je sais... mais peut être que j'ai quand même besoin de cette thérapie...
Je sais parce que j'ai une soeur "pas comme les autres". Moi je suis la Marie du livre. Celle qui soulage, celle sur laquelle repose les attentes, celle qui aide à panser les blessures d'une âme écrabouillée.
Quand on me demande, je dis que ma soeur est autiste. Depuis "Rain Man" ce qui est bien, c'est que autiste maintenant ça parle aux gens. Mais en fait c'est bien plus compliqué. Si on veut savoir, j'explique volontiers. Parce que syndrome de Rett, ça il faut expliquer. Il n'y a pas eu de film encore dont l'héroine serait touchée par ce syndrome...
J'imagine bien que ce livre a dû choquer nombres de gens. Même moi, j'ai été choquée. Je crois, choquée par la franchise de l'auteur. Pas choquée par ses sentiments. Ces sentiments, ce sont ceux qui me sont familiers, que j'ai cotoyés, que j'ai imaginés boulversant sans répit l'esprit de mes parents.
J'admire le courage de Jean-Louis Fournier de traîter avec autant d'humour un sujet souvent englué dans le politiquement correct.
Lui seul pouvait le faire évidemment. Moi-même je ne pourrais pas me le permettre. Seul celui qui se sent fautif, responsable, a ce droit de désacraliser l'enfant handicapé. Mais grâce à lui, je prends le droit d'en rire, dans ma tête. J'espère que mes parents aussi se sont laissés à rire.
Et ce livre aura un autre mérite: à sa lecture, notre entourage, proche ou lointain, n'aura manqué de penser à ma soeur, c'est inévitable. A cet instant, elle aura été très présente à leur esprit. Les personnes "pas comme les autres" auront trouvé une place, même abstraite, dans une société dont ils sont souvent absents.