la fièvre de la ville
Les premiers mois ici ont été durs. Je me suis interrogée sur l'origine de mon mal-être. La solitude, sûrement, le dépaysement, très peu finalement, l'arrêt de mon activité professionnelle, sans aucun doute...
Et puis, très rapidement, j'ai compris que je me sentais déracinée non pas de mon pays, mais de la Ville. Je l'écris avec un grand V, car il ne s'agit pas d'une ville en particulier, mais de l'agglomération mouvante et vivante en générale. A mes amis, je disais que peu importait le fait que je sois au Brésil, ce qui me pesait c'est de me retrouver à vivre dans une résidence dans laquelle jamais un chat ne passe. Parfois, les journées me semblent bien longues dans ma petite maison avec la vue sur mon jardin. C'est calme, c'est joli... mais c'est vide et parfois un peu oppressant. Vide de bruit, de vie, d'âme.
Et Pindamonhangaba? C'est une bourgade sympathique soit, mais c'est surtout une ville poussée récemment à la faveur du boom économique environnant. Pas de vieilles pierres, pas de café avec terrasse, pas de jolies boutiques, et, ceci est vraiment symptomatique, une seule et unique librairie pour une population de plus de 120.000 habitants.
Alors autant vous dire que je revis dès que je mets les pieds à Rio! C'est une ville à part bien sûr, mais c'est surtout une ville! Une ville avec ses belles rues ombragées, avec son trafic incessant, avec ses passants pressés, avec ses bus fous, avec ses musées à chaque coin de rue, ses galeries, ses restaurants...
J'y respire profondément, comme pour m'imprégner de toute cette agitation dont l'absence me fait tant souffrir. Je marche le long de ses trottoirs, j'erre dans ses quartiers, je flâne dans ses boutiques, j'observe sa population bigarrée, encore et encore.
Cette fois-ci, encore une fois, la magie a opéré. Pas immédiatement. La période d'incubation a duré quelques heures avant que le virus prenne.
Et puis une fois les enfants couchés, les courses rangés, je me suis assise seule dans la cuisine de l'appartement (ma soeur étant dans le sien propre et Edouard étant d'astreinte professionnelle). Pour accompagner mon dîner j'avais prévu un magazine. Je ne l'ai pas ouvert.
Par la fenêtre ouverte au fond de la cuisine, j'ai entendu le bruit. Puis, je l'ai écouté: les voitures, les cris, les rires, la musique, les coups de klaxon, le bip-bip des portes de garage qui s'ouvrent. En parfaite harmonie avec mon environnement... pas forcément très écolo toutefois!
Mon coeur s'est mis à battre un peu plus fort, ma gorge s'est serrée, un sourire s'est dessiné sur mes lèvres: j'étais enfin chez moi.