Berlin en 20 ans
Je me souviens du 10 novembre 1989. Et pourtant, ce jour-là, je n'avais pas pris conscience du symbôle que représentait cette page qui se tournait. Malgré les cours d'histoire, malgré les journaux lus, malgré l'histoire de ma famille qui puisait ses origines dans cette ville.
Je me souviens des reproches que ma mère nous avait fait en rentrant le soir. A son bureau, nulle information ne lui était parvenue. Ce n'est que tard dans la journée qu'elle avait su, bien après tout le monde. Qu'elle a su ce qu'elle et toute ma famille de l'autre côté de la frontière avait tant espéré depuis des années. Et nous ne l'avions pas appelée pour lui annoncer cette nouvelle.
Je me souviens des larmes.
Je me souviens de mon premier voyage dans le Berlin réunifié. C'était en 1991. De mon émotion à l'approche de la ville. De celle éprouvée au contact de cette "blessure", béante désormais, mais en processus de cicatrisation. De la découverte de l'autre côté, tellement fantasmé et devenu étrangement réel. De l'impression d'errer dans un décor de thêatre.
Je me souviens de mes années d'étudiante dans cette ville* qui entretemps avait tant changé. De ces deux côtés qui s'étaient rapprochés. Rapprochés en apparence. Les gens se considéraient encore comme étant de l'Est ou de l'Ouest. De la société de consommation à l'occidentale qui avait pris possession de l'identité des quartiers de l'Est. De ces quartiers excentrés qui avaient conservés leur visage de l'époque. L'époque des grandes avenues et de la grisaille des barres d'immeuble. *(de 1996 à 1998)
Je me souviens de notre retour dans cette ville deux petites années seulement après. De son nouveau visage depuis le retour du gouvernement en ses murs. Des rues de Prenzlauerberg qui avait été liftées, auxquelles on avait retiré les rides, les éclats de balle dans les façades qui avaient disparu, ces façades transformées dans un univers qui semblait édulcoré et que nous ne reconnaissions plus.
Mais surtout, je me souviens que Berlin restera la ville de nos premiers émois, le berceau de notre histoire à nous. Celle avec un petit h mais avec un grand A. Berlin restera pour moi la ville de toutes les émotions.